Sicile et Îles Eoliennes - 2019

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Depuis deux ans, je vous ai fait découvrir un tas de chouettes endroits et de nombreuses facettes de cette Italie que j'aime désormais passionnément. Vous en voulez encore? Pas de souci! Accrochez-vous aux sangles de mon sac, cette fois on part faire le tour de la Sicile et on continuera en se posant sur certaines îles Eoliennes!

Photo de voyage en  Italie

Voyage "sac à dos" en Italie de 3 semaines (Juin 2019) raconté par bentec

Arrivée à Palerme

L'atterrissage à Palerme n'est pas dénué de charme: d'un côté, la mer aux reflets bleu et turquoise, de l'autre une barrière montagneuse imposante! Pour rallier Palerme, le bus met environ 50 minutes (5-6€) pour rejoindre la gare centrale.

La circulation? Comme dans les autres grandes viles d'Italie: voitures, scooters qui zigzaguent entre celles-ci, 3 bandes de roulage alors qu'en principe il n'y en a que 2... C'est comme çà que ça se passe! Près de la gare, voilà même un Piaggio Ape chargé de cageots vides (il vient sûrement du marché), tout brinquebalant: normal, son pneu arrière gauche est à plat, et il roule ainsi!! Bienvenue à Palerme.

A 10 minutes à pied de la gare, ma chambre Airbnb m'attend au coeur de la vieille ville, sur la Piazza Santa Chiara. Je suis à deux pas du marché de Ballarò (on s'y intéressera demain). Le temps de s'installer, on peut y aller pour le premier contact avec la ville!

En 10 minutes, je suis déjà au coeur d'un des points névralgiques de Palerme: les Quattro Canti. Ce carrefour orné de 4 fontaines rappelle furieusement les "Quattro Fontane" de Rome! Chouette, une bonne partie des alentours est piétonnier! Pas mal de monde, mais ça ne sature pas comme au Colisée de Rome ou au Rialto de Venise.
A deux pas, voici la sublime Piazza Pretoria et sa célèbre fontaine, aux statues d'hommes dénudés qui ont choqué plus d'un habitant ou d'une religieuse du couvent d'en face (certains xxxx ont même été cassés!!). Oh, il faut vous faire un dessin en plus??
Jouxtant la Piazza Pretoria, la Piazza Bellini offre un ensemble de trois magnifiques églises: l'église Santa Maria de dell’Ammiraglio, l'église Santa Caterina (on peut accéder aux toits et jouir d'une super vue sur Palerme) et la curieuse église San Caltaldo, avec ses trois dômes mauresques arrondis, exemple abouti de l’architecture arabo-normande; lors de mon passage, un mariage s'y célébrait.

La Via Maqueda et la Via Vittorio Emanuele se croisent aux Quattro Canti; une alternance de petits bars, de "tabacchi", de glaciers, pas de boutiques de luxe tapageuses; ça fait du bien, c'est pas comme à Milan! Je flâne à l'aise sur la Via Maqueda, jusqu'au Teatro Massimo (un des plus grands d'Italie). Il y en a de l'animation, ce samedi! Voici une petite procession en musique , en l'honneur d'une nouvelle statue de Sant'Onofrio. Près du Teatro, un genre de meeting politique est en train de fédérer une foule grossissante; le gars au micro qui harangue son auditoire (et vocifère pas mal), c'est Sebastiano Musumeci, l'actuel président de la région Sicile.
https://www.youtube.com/watch?v=EFzE5SqCaQ8
Mais je ne suis pas venu pour faire de la politique... Moi, c'est mon estomac qui commence à vociférer en ce début de soirée.

Je goûte aux "arancine", ces petites boules de riz frites et fourrées au ragoût, au fromage, aux épinards, et tant d'autres! Croustillantes en dehors et fondantes à l'intérieur. C'est vraiment emblématique de la "cuisine de rue" sicilienne! Attention: à Palerme, c'est au féminin, arancina et non arancino! Pourquoi? Alors là...
Plus loin, en allant vers le port, un petit stand à côté d'un resto propose divers petits trucs locaux. Sans trop savoir je prends un "pane e panelle, un petit pain garni avec une galette de pois chiches, avec une bière italienne Forst.

J'arrive près du port de plaisance. Bon dieu quel trafic!
Heureusement au-delà du port commence le Foro Italico, cette vaste promenade de bord de mer agrémentée d'une longue pelouse, et rendez-vous en soirée des palermitains de toutes générations. On papote, on court, on écoute de la musique...
Je m'assois et je regarde partir les ferries en partance pour la Sardaigne, la Tunisie... J'y retournerai chaque soir.


Palerme: 2ème jour

Ce matin, je vais me balader au marché de Ballarò, je n'ai que 2 minutes de marche.

Attention, immersion dans l'authenticité! Le "Ballarò" est le marché le plus ancien, le plus grand et le plus populaire de la ville, où tu peux encore te mêler à la vraie vie palermitaine sans encore trop croiser de touristes. Fruits, légumes, fromages...(et même pièces de smartphones), ça s'interpelle, ça vibre, c'est une triple extase visuelle-auditive-oflactive! On sait pas où tourner la tête.

Un petit-déj' à la sicilienne? Allons-y. Une petite caffetaria repérée près de la Piazza Bologni sera mon point de chute durant 2 jours. Ah, la granita sicilienne! Plus qu'un mets, un symbole! Ce mélange semi-congelé à base d’eau, de sucre est mélangé à des VRAIS fruits et ressemble à un sorbet à la texture "neigeuse". Les grands classiques: citron, amande, pistache, café, mûre... Cette merveille se déguste avec de la crème par-dessus et une brioche. Ce sera pêche/fraise pour moi.

Suivons la Via Vittorio Emanuele qui, quoique piétonnier, n'empêche pas les scooters de slalomer entre les gens; certains modèles sont même électriques, tu ne les entends plus débouler! Et ça arrive aussi d'apercevoir une antique fiat 500 ou un triporteur Piaggio au détour d'une ruelle.
Et voici la cathédrale de Palerme! Che bella! Elle est du 12ème siècle, et offre un mix de différents styles, un dôme étincelant et des tours élancées... Monumental sans être grandiloquent. Coup d'oeil à l'intérieur, mais c'est dimanche, jour de messe. Je préfère être discret (pas comme certains, malheureusement).

10 minutes à pied suffisent pour rallier l'autre marché populaire de Palerme: le "Capo". Une petite rue qui part à gauche de la cathédrale permet de traverser un vieux quartier, avec le linge qui sèche, les papys assis sur des chaises en bois, les petits commerces (encore très présents en ville!) et les scooters qui évitent les nids-de-poule.
Le marché du Capo débute à la Porta Carini et suit la rue éponyme. Fruits et légumes sont aussi présents, mais il y a pas mal de stands de poissons. Au niveau des décibels de la voix, les vendeurs sont un cran au-dessus de leurs copains du Ballarò! Je trouve le Capo plus animé, voire plus joyeux que le Ballarò. De plus, il y a une foultitude de petits stands où tu peux te sustenter pour trois fois rien en piochant parmi tous ces p'tits délices qui ont fait la renommée de la "street-food" sicilienne. Justement, midi n'est pas loin: à table! Deux petits artichauts grillés et une grosse part de "sfincione", la pizza locale à l'étrange texture un peu spongieuse et moelleuse, garnie de sauce tomate, d’oignon, d’anchois et de fromage. Très bon, et ça cale son homme pour l'aprem!!
Une petite douceur sucrée, pourquoi pas? Dans une petite boulangerie du Capo, sans fioritures ni étal prétentieux, je m'offre un délicieux cannolo, ce petit cylindre fourré d’une crème à la ricotta avec du sucre glace.

Retour du côté de la cathédrale, j'arpente un lacis de ruelles dallées où les gamins jouent au foot, certaines maisons sont un peu décaties, comme certains palais. Palerme a ce problème de laisser partie en décrépitude nombre de ses prestigieux anciens palais (la proprio du célèbre Palazzo Gangi, n'en pouvant plus des frais d'entretien pharaoniques, pense même à quitter Palerme!). Mais je vais en visiter un, en bon état et encore habité: le Palazzo Conte Federico.
C'est Andrea, le fils du comte Federico, qui assure la visite et nous fait passer de pièce en pièce, somptueuses ou plus austères. La voiture de course à l'entrée symbolise la passion du papa pour les courses automobiles.

Je vais souffler un peu avant de repartir en soirée vers le port, au hasard des petites rues; je m'arrête dans une "focacceria" pour expérimenter LE panino palermitain incontournable: le pane c’a meusa! C'est un pain à la rate de veau (*sa traduction en sicilien), avec du caciocavallo râpé et parfois, de la ricotta. Il me rappelle un peu le "lampredotto" florentin. Une bière Forst pour le faire glisser; bizarre que cette bière, indissociable de Palerme, soit produite... dans le Trentin-Haut-Adige!


Palerme: 3ème jour

Un petit granita pour démarrer; aux amandes, ça te dit?
Ce matin, je vais un peu m'excentrer vers l'ouest, au-delà de la cathédrale et du Palais Des Normands (on y reviendra plus tard). Je t'emmène voir un endroit aussi insolite que déconseillé aux âmes sensibles: les catacombes du couvent des Capucins. Au départ prévues pour abriter les dépouilles des moines défunts, les catacombes ont accueilli au fil du temps les corps des familles "civiles" de l’aristocratie sicilienne.
Les corps sont regroupés par genres et par statuts dans des salles et de longs couloirs faiblement éclairés (ça fait son petit effet): hommes, femmes, moines, enfants (c'est très troublant), militaires... Il sont même habillés: robes de bure, vêtements d'apparat... Leur état de conservation est étonnant, bien que certains commencent à sérieusement bailler de la mâchoire... Les familles faisaient des dons aux moines pour l’entretien des corps de leurs défunts.
Le corps le mieux conservé est celui d’une petite fille, Rosalia Lombardo, décédée en 1920 à l’âge de deux ans. Son visage et son corps sont incroyablement préservés. On en reste bouche bée, on dirait qu'elle dort...
https://www.maxisciences.com/momie/le-mystere-de-la-momie-sicilienne-qui-ouvre-les-yeux-enfin-elucide_art32877.html

La suite de la matinée restera un des grands moments "affectifs" de ce voyage en Sicile. Un monument, un musée? Non non. Simplement un quartier et un jardin.
Le quartier Danisinni, encore récemment, avait mauvaise réputation à Palerme: insécurité, chômage... Les bus n'y passent pas, il n'y a pas de boutiques. Mais en 2015, la volonté des gens du quartier de s'en sortir et de CHANGER les choses a donné naissance à ce lieu incroyable, mi jardin d'Eden mi arche de Noé: le jardin et le "circo sociale "du Danisinni!
Les enfants apprennent l'art du cirque (sans animaux) dans le petit chapiteau, ou s'occupent des animaux de la ferme pédagogique: basse-cour, chèvres, même un cheval! Les adultes travaillent au potager ou à la petite vigne. J'y pénètre, un peu timide, lorsque Fabio vient à ma rencontre; il parle un peu français, m'explique tout sur ce paradis, on boit un soda ensemble. Les gosses en difficulté (décrochage scolaire, père en prison, comme le gamin avec qui j'ai parlé) renaissent en ce lieu! C'est comme une rédemption sociale mêlée à la capacité d’imaginer et de bâtir un avenir meilleur! Si je reviens à Palerme, je viendrai ici, mettre la main à la pâte quelques jours.

Après un tel moment, la visite du Palais des Normands est une activité plus "terre-à-terre". Cette ancienne forteresse arabe, transformée en palais au 11ème siècle pour devenir une résidence royale, a vraiment des dimensions imposantes, quoique d'aspect assez austère. Le clou du spectacle: la Chapelle Palatine, un "mix" roman, byzantin et arabe, entièrement recouverte de décorations en marbre et de mosaïques byzantines. Les jardins du Palais abritent un ficus démesuré.
Petite fringale du midi: un panino et une part de cassata, ce joli dessert coloré à base de ricotta et de fruits confits.

Dans l'après-midi, je me rends à l'exposition "No Mafia Memorial", qui évoque l’histoire de la Cosa Nostra sicilienne, son évolution, son impact sur la société mais aussi la rébellion des citoyens. Attention, rien ne te prépare à la brutalité de certaines photos (arrestations, meurtres...), c'est du "sans-filtre"; hé oui... la "Pieuvre" est toujours là, mais des citoyens et des commerçants ont décidé d'y faire face. Bravo.
http://www.slate.fr/story/181449/sicile-mafia-cosa-nostra-addiopizzo-association-antimafia


Palerme: la suite du 3ème jour

Je repars vers la Via Roma pour voir la Piazza San Domenico et son église. A côté commence le célèbre marché de la Vucciria.
Fruits, légumes, poissons, animation dans la petite Via Maccheronai. Mais... les documentaires, les films ont fini par en faire une caricature de lui-même. C’est devenu une icône touristique. Et les prix sont devenus trop élevés. Je préfère franchement le Capo et le Ballarò!
Entre la Via Roma et le port se trouve un réseau de ruelles sombres, parfois inquiétantes, avec des immeubles tellement délabrés que certains sont déjà en partie livrés aux machines des démolisseurs. C'est la quartier de "la Kalsa". Ah, il a bien morflé durant les bombardements de la Deuxième Guerre.
Mais un renouveau s'installe çà et là, les maisons se réestaurent, parfois occupées par des artisans et petits commerçants. Celà crée à certains endroits d'étonnants contrastes!

17H30. J'ai maintenant rendez-vous avec un autre aspect des traditions siciliennes: les spectacles de marionnettes, les "Pupi". A deux pas de la cathédrale, le "Teatro dei Pupi" de la famille Argento propose tous les jours des spectacles d'une heure. Attention, on n'est pas sur du "Guignol" qui donne ses p'tits coups de bâton en gesticulant. Les marionnettes sont parfois hautes d'un mètre, pesant 10 kg et manipulées avec deux tiges rigides, l'une fixée dans la tête, l'autre dans la main droite. En général, ce sont des chevaliers du Moyen Âge, richement habillés et décorés. Les manipulateurs se lancent dans des scènes de combat épiques et assourdissantes, ponctués par les cliquetis des épées et la voix du maître des lieux qui interprète plusieurs personnages, ainsi que du son aigrelet d'un orgue! Quelques pointes d'humour parsèment le spectacle. Quand je dit "combat", c'est avec des effets spéciaux qui tranchent un guerrier en deux ou lui coupent la tête!! Les plus petits sont interloqués, hypnotisés. Discutable? C'est la tradition sicilienne. Voilà.
Après le spectacle, on peut rencontrer les manipulateurs, voir la scène de plus près et la collection de pupi rangées au garde-à-vous à l'arrière de la scène.
Petits extraits: https://www.youtube.com/watch?v=9aDCu9-1oNw

Repas de mon dernier soir à Palerme dans une petite trattoria pas loin du port, suivi d'une glace aux amandes à l'intérieur d'une brioche. Un tour sur le front de mer.
Demain commence mon tour de l'île en voiture. Tu en es, bien sûr?


Nord-ouest de la Sicile, entre mer et montagne

Avec une voiture de location (comme d'habitude), on va faire le "giro dell"isola" dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Je quitte l'aéroport par l'autoroute, pour partir 40 km vers l'ouest, premier arrêt à Castellammare del Golfo, un gros village de pêcheurs bien sympa avec ses petites ruelles et son gros chateau fortifié qui s'avance vers la mer comme la proue (l'avant, quoi) d'un navire. Le petit port et le quai bordé de quelques petits bars et restos sont plutôt tranquilles ce matin; plus d'autochtones que de touristes. Continue un peu plus loin, puis retourne-toi: il est pas charmant ce petit bourg avec ses maisons surplombant ses petits remparts?

Pour quitter l'endroit, rien de tel que la petite route qui grimpe vers Scopello, et offre un super belvédère sur Castellammare, qui est tout riquiqui vu d'ici! Je passe bientôt près de la jolie plage de Guidaloca pour bifurquer vers le minuscule village de Scopello. C'est sommaire: la place centrale, une fontaine, un bar et quelques ruelles qui s'égarent. Mais le charme qui s'en dégage rétablit l'équilibre! Bon, moi je vais manger un truc; reste pas à l'écart, viens goûter avec moi une petite tuerie appelée le "pane cunzatu": une grosse tartine coupée en deux, garnie de thon, ricotta, aubergines, olives... ou d'autres choses, ça peut varier.
Et en contrebas, en bord de mer, il y a la tonnara de Scopello: en fait c'est une conserverie, la pêche au thon et leur mise en conserve ont été une activité florissante en Sicile.

Partons maintenant 30 km vers le sud pour découvrir un monument qui pourrait faire croire que tu t'es soudainement téléporté(e) en Grèce! Un des symboles historiques de l'île: le Temple de Segeste! Il domine fièrement une colline entourée d'une belle campagne verdoyante, et est sacrément bien conservé. Il en rayonne réellement une impression de puissance. Mais attention, quand on dit temple GREC, on se goure! Il fut bâti par les Elymes, une peuplade qui était là avant les grecs et les romains. Savaient-ils que leur temple allait finir par illustrer des milliers de cartes postales?
Le parking est excentré, oui, mais un bus-navette le relie au site et c'est compris dans le prix du billet d'accès. Pas con! On peut voir aussi un superbe théâtre antique à quelques centaines de mètres.

L'après-midi passe vite. Pour rejoindre ma première étape de nuit, ça va te paraître curieux mais je pars vers l'est pour me trouver à 40 km au sud de Palerme. J'étais intrigué par cette colossale barrière montagneuse aperçue lors de l'atterrissage, j'ai voulu voir ce qui se cachait derrière.
Après avoir sillonné de bucoliques chemins de campagne (beaucoup de céréales, la moisson bat déjà son plein!), le relief montagneux s'affirme. Après le village (banal) de San Giuseppe Jato, un chemin défoncé se transforme en piste pour me conduire à une grosse "masseria", une grosse propriété agricole comme il y en a pas mal en Sicile ou dans la Pouille. Elles ont été construites entre les 17ème et 19ème siècles, et beaucoup sont désormais des lieux dédiés à l'hébergement. J'y passerai la nuit.

Petite balade à pied en soirée, il y a plein de petits sentiers qui serpentent et grimpent sur les flancs de la montagne. C'est la campagne: le tintement des cloches au cou des vaches se mêlent aux chants des oiseaux. Me voilà déjà loin des vrombissements des scooters et des décibels vocaux des poissonniers du Capo!!

https://www.masserialachiusa.it/it/

https://www.youtube.com/watch?v=oCRTXH24MTo


Erice et Trapani

C'est beaucoup plus chouette de passer par les routes secondaires: celà permet de parcourir de beaux paysages champêtres très diversifiés, composés de collines de champs, vignes et collines. En fin de matinée, Erice se rapproche. Pour y accéder et s'offrir une orgie de vues panoramiques, rien de tel, avant Trapani, que d'engager sa voiture dans une homérique grimpette de 8km par la petite route SP-3, qui compte je ne sais combien de lacets trrèès serrés (attention aux croisements)! Oh oui il y a des "rambardes" dans les virages, mais elles n'ont pas l'air bien solides. Alors, vaut mieux stopper brièvement pour profiter des superbes vues sur la mer et Trapani, là-bas vers l'ouest. Quitter cette route des yeux une seconde n'est pas du tout conseillé...

Fameux nid d'aigle! De là-haut, la vue sur la côte est incroyable. Et toutes ces petites ruelles aux gros pavés, entrecoupées d'escaliers qui vont un peu où ils veulent, c'est un petit plongeon dans le passé! Pas trop de monde, c'est appréciable, sauf peut-être sur la "rue principale, où quelques boutiques de souvenirs ne peuvent s'empêcher de pointer le bout du nez. Curieusement, pour un si petit village, qu'est-ce qu'il compte de pâtisseries! J'en ai compté 4 ou 5, proposant plein de délices sucrés, aux amandes, au miel ou autres; allez, j'avale une petite sfoglie à la ricotta!
Quelques monuments à voir: la cathédrale del'Assunta et sa tour massive, le Castelo di Venere ou l'église San Salvatore. Et si tu aimes les téléphériques, il y en a un qui relie Erice à Trapani. Ah tiens, c'est là que je t'emmène par après!

Je n'ai pas à aller très loin, d'Erice je suis à 8km de Trapani. Ne te laisse pas avoir par l'affligeante banalité de la "ville nouvelle" et gare-toi dans les environs du port, on dégote facilement des places gratuites. C'est la vieille ville de Trapani qui promet d'être intéressante.
Trapani est à l'ouest de la Sicile et sa vieille ville s'avance vers la mer, comme pour indiquer les îles Egades qui ne sont qu'à 20km. Elle était active dans l'industrie de la pêche au thon, et l'extraction du sel est encore très représenté par les salines se trouvant dans ses environs.
Alors cette vieille ville, qu'est-ce qu'elle nous raconte?
Elle n'est pas bien grande, en grande partie piétonnière et a pour colonne vertébrale le Corso Vittorio Emanuele, bordée d'un prestigieux cortège d'anciens palais et de la cathédrale. Tu remarqueras que la majorité des touristes se cantonnent presque uniquement à cette rue principale... un peu comme les colonnes de fourmis qui ne dévient en rien de leur trajectoire! Alors qu'il y a plein de petites rues, se coupant souvent à angle droit, qui sont bien plus calmes.

Mais nous somme en bord de mer, et la promenade préférée des habitants est celle du chemin de ronde des remparts au nord de la cité. Les vieilles maisons contemplent la mer, la petite plage côtoie des barques de pêche dansant sur l'eau... ça aurait tendance à me rappeler un peu Gallipoli, dans la Pouille. Le rempart poursuit ensuite son tracé le long d'une étroite langue de terre, avec à son extrémité, la Tour de Ligny.

Ah, les spécialités culinaires siciliennes! Une petite trattoria bien cachée, et en avant pour goûter la caponata, qui ressemble à une ratatouille d'aubergines, tomates, oignons, raisins secs... Ensuite, un couscous de poisson (Cùscusu en sicilien), avec de la rascasse, du poulpe et un bouillon de poisson à part. On sent bien l'influence de l'Afrique du Nord qui n'est finalement pas si loin que çà.
Je passe la nuit à Trapani. Demain est un autre jour


De Trapani à Realmonte

Hier, je t'ai parlé de l'extraction du sel, dans les environs de Trapani. Les premières salines sont à moins de 10km de la ville. La transition est rapide: après la ville, quelques champs, puis ce quadrillage si particulier de bassins d'eau de divers coloris selon leur teneur en "or blanc". En fait, la récolte se fait sur le principe d’évaporation (on voit bien les croûtes de sel au bord des bassins), et des petits monticules blancs s'alignent le long des pièces d'eau. Cela m'évoque les salines de Loix, sur l'île de Ré, où j'étais passé en 2008.
Le petit moulin servait à pomper l'eau afin d'alimenter les bassins. A 20km au sud, les salines Ettore e Infersa alignent 3 moulins et font face à la petite île de Mozia. Je ne m'y attarde pas; quand tu vois le grand parking et que tu croises des autocars, t'as tout compris...

Je me rapproche de Marsala. Oh, tes papilles gustatives ont frétillé (dis pas non, je t'ai vu!). Et pour cause: on va faire connaissance avec LE vin liquoreux sicilien, le marsala! C'est un marchand anglais qui, en débarquant en 1773 en Sicile, découvrit ce vin fortifié; l'occasion était trop belle pour faire concurrence avec le porto et le xérès!
20 ans plus tard, la commercialisation et l'exportation à plus grande échelle commençait.
Je visite donc les caves Pellegrino, une des grandes maisons produisant ce divin breuvage. Visite guidée d'une heure, en étant "greffé" à un groupe francophone assez jovial; en entrant dans les caves, les alignements de barriques se succèdent, je hume ces arômes de bois, de cire ou de miel flottant dans l'air. La température naturellement fraîche contraste avec la grosse chaleur estivale dehors. Dégustation de 3 types de vins avec des petits biscuit aux amandes; je ferme les yeux de délectation!
La ville de Marsala n'est pas en reste, avec sa Piazza della Repubblica et la cathédrale, ou la Porta Garibaldi avec son aigle au sommet. La Via XI Maggio bordée de belles bâtisses se termine par la Porta Nova. Juste après cette porte, on contemple, un peu interloqué, le "Cine Impero" avec ses deux énormes colonnes, typiques du goût monumental de la période fasciste; le Mussolini ne faisait pas dans la modestie...
Allez, deux arancini (ragù et épinards) suivis d'une glace au... vin de marsala, et on repart!

Je poursuis 20km au sud pour atteindre Mazara del Vallo. Cette ville est clairement à vocation maritime (port de pêche important et chantiers navals). Je débute avec l’église de Sant’Ignazio, du moins ce qu'il en reste car son toit s’est effondrée dans les années 1930! Le coeur de la ville, c'est la Piazza della Repubblica avec son palazzo Vescoville et la cathédrale. Je pourrais dire qu'elle a un deuxième coeur (peut-être le vrai?) à travers le vieux quartier de la Casbah et son labyrinthe de ruelles sans nom et d'impasses incongrues. L'influence tunisienne est bien palpable, d'ailleurs nombre de travailleurs du secteur maritime sont des tunisiens. Depuis 2010, habitants et artistes enjolivent ces ruelles de bancs colorés, de céramiques peintes... Belle initiative!

Continuant vers l'est, j'atteins bientôt les vestiges de Selinonte, imposante cité antique fondée par les grecs. Elle fut une des plus puissantes cités antiques, mais trop ambitieuse sans doute: elle voulut en découdre avec sa rivale Segeste; mauvaise idée! Cette dernière, alliée aux Cartahaginois, détruisit une bonne partie de Selinonte. Un tremblement de terre acheva de faire tomber le reste du mikado. Heureusement, quelques vestiges de temples ont résisté, comme le temple E, vraiment colossal! Et vu la taille des restes de colonnes du temple G , il devait encore être plus "maousse", celui-là!
Attention, le site est très vaste; pour aller admirer l'Acropole, soit tu fais marcher tes guibolles, soit tu prends une genre de voiturette de golf (payante) ou tu rallies l'autre parking en voiture. Vu la chaleur, je te conseille cette variante. L'Acropole, c'était le coeur de la vie politique et sociale de Selinonte. La taille de l'ensemble laisse sans voix. Mais comment ont-ils pu en arriver là, à réduire cette opulente cité en tas de légos?

La journée file vite, alors je décide d'outrepasser Sciacca pour rejoindre, sur la côte, Realmonte qui sera mon étape de cette nuit. Pas grand-chose: quelques hôtels, 2 ou 3 snacks-bars, une plage et une route assez passante. Pour la plage? En partie, oui, mais SURTOUT pour ce qui se trouve à côté, une curiosité géologique unique sur l'île: la Scala dei Turchi! C'est une formation calcaire en forme d'escalier (*scala) d'un blanc étincelant, qui tombe dans la mer turquoise. On dirait une sculpture de sel! J'ai la chance d'y être en soirée, car dans l'aprem, en plein cagnard, la chaleur et la réverbération en font une plaque chauffée à blanc. Et il y a moins de monde, les marches sont plus faciles à gravir la pente douce y menant; attention quand-même, pas trop près du bord si tu as le vertige!


D'Agrigente à Piazzza Armerina

Ce matin à 10km de Realmonte, je vais découvrir une autre "superstar" des sites antiques de Sicile: l'incroyable Vallée des Temples d'Agrigente. Au moins, à l'heure d'ouverture, les cars de touristes n'ont pas encore débarqué. Bon en fait, c'est pas vraiment une vallée mais un somptueux défilé de temples sur une crête, parallèle à la côte. Evidemment, la vue depuis le site est à tomber!
2 parkings (payants); moi j'ai choisi celui près du Temple de Junon , le premier temple que tu croiseras. S'ensuit une très longue allée menant au Temple de la Concorde, superbement conservé; puis voici le Temple d'Hercule et celui de Zeus, inachevé et qui aurait dû être un des plus grands jamais bâtis. Vu la taille des colonnes, je veux bien le croire! A proximité, on aperçoit très bien Agrigente au loin.
Ensuite, une passerelle franchit la route pour amener au "secteur ouest" du site, avec le Temple de Castor et Pollux.
Quand le soleil tape, pas facile d'arpenter de telles distances, mais peu de visiteurs poussent jusqu'à cet oasis de fraicheur au fond de site: le jardin de la Kolymbethra. Cette ancienne carrière à l'abandon a été réaménagée, en 1999, en un jardin représentatif d'espèces typiques du maquis méditerranéen, disposant aussi d'un système d'irrigation (bassin, rigoles) pour la culture des légumes. Un petit paradis végétal à côté de l'aridité de la crête des temples! Attention, ticket d'entrée séparé. ah autre chose: pour regagner le parking, faut se retaper à pied ce que tu as fait à l'aller! Bon amusement...

Bon ben Agrigente est toute proche, allons voir çà! Mais j'aime autant te dire que la banlieue "moderne" que tu traverseras est vraiment une quintessence de mocheté. La vieille ville se rattrapera-t-elle? De ruelles en pente en escaliers discrets, elle nous fait découvrir des craquantes petites églises (entre autres la chiesa Santa Maria dei Greci) et tout en haut, la massive cathédrale fait coucou de loin à la Vallée des Temples. Pas vilaine, en somme, mais pas forcément la plus belle de Sicile (avis subjectif)...

A partir d'ici, je vais quitter la côte pour m'enfoncer à l'intérieur de l'île. Direction la petite ville d'Aragona, peu touristique et ambiance "locale". Un petit bar d'habitués pour mon duo magique "panino-bière", mes batteries sont rechargées! A quelques km, j'explore un endroit étrange qui n'est jamais noté dans les guides: la réserve naturelle des "vulcaneli di Macalube". C'est une zone argileuse et désolée, parsemée de petits volcans qui de temps à autre, rejettent non pas de la lave, mais de la boue chaude. On pourrait se croire sur une autre planète. Il faut être très prudent, d'ailleurs l'accès est (en principe) interdit. Alors n'imitez pas la tête brûlée que je suis!

Direction nord-est pour rallier Caltanissetta, à travers une campagne plutôt monotone; mais les paysages changeront bientôt, tu verras. Voici donc une petite ville tranquille, davantage faite pour ses habitants que pour les touristes.
Pas trop étendue, elle se visite vite: la belle Piazza Garibaldi compte une fontaine (où flottent quelques bouteilles plastique, dommage) et 2 églises qui se font face. Le Corso Umberto I n'est pas mal du tout, avec sa chiesa Sant'Agata et ses petites rues adjacentes.

Après Caltanissetta, la campagne se fait plus ondulante, les cultures alternant avec les prairies et de belles portions boisées, parsemées de hameaux et de grosses fermes. C'est une Sicile plus rurale, plus vraie que je sillonne à présent. Par des petites routes, j'arrive au fond d'un petit vallon où se cache un des joyaux de l'époque romaine en Sicile: la Villa Romana del Casale, immense villa du 3ème siècle, renommée pour ses nombreuses pièces recouvertes de fabuleuses (et c'est un euphémisme) mosaïques polychromes représentant des scènes de la mythologie, la vie quotidienne, des scènes de chasse... C'est hallucinant d'admirer un tel état de conservation malgré les vicissitudes du temps! Pour les protéger, la visite se fait par des passerelles offrant une vision en hauteur (pratique pour les photos!). Entre autres, le couloir de la Grande Chasse, long de 60 mètres, représente des animaux capturés pour être présentés aux jeux de cirque de Rome. Mais la salle la plus photographiée est celle des "jeunes filles en bikini", où on les voit pratiquer différents sports dans cette tenue légère. Représentation inédite de la société romaine... mais commentaires égrillards de certains abrutis bien contemporains!!

Allez, Piazza Armerina n'est qu'à 6km!


De Piazza Armerina à Ragusa

Piazza Armerina est une petite ville sympa, dommage qu'elle soit quelque peu éclipsée par la Villa Romana del Casale toute proche. A l'entrée sud de la ville, une grosse fontaine à 4 "sorties" (je sais pas si ça se dit) rejette de l'eau potable, ce dont les habitants profitent pleinement. J'y remplis ma bouteille. Je passe près du stade de foot, et là je te refile un bon plan: on a une super vue sur la ville!
J'avoue qu'il est très plaisant de déambuler dans les petites rues piétonnes de cette bourgade à taille humaine. La cathédrale au superbe dôme tient compagnie au Palazzo Trigona, et il y a un nombre pléthorique d'édifices religieux. On est loin du ballet d'autocars de la villa pourtant si proche!

Je roule maintenant en direction d'Enna, mais comme l'aprem se consume déjà, je la traverse (ce sera pour demain) et me dirige vers le petit village de Calascibetta, à 10km, qui lui fait face sur son éperon rocheux. J'y passerai la nuit dans une petite maison d'hôtes. Vaut mieux laisser son carrosse sur le parking en bas (gratuit, yess!) parce que Calascibetta va beaucoup solliciter tes mollets. Ruelles et escaliers se sont donné le mot (sans "s", participe passé, souviens-toi l'école!!) pour boycotter la trajectoire plane.
La petite rue qui longe quasiment le bord du promontoire offre une vue d'enfer sur la campagne aux alentours, et en quittant le village par un chemin rural, Enna s'étire sur sa falaise en face.
Peu de monde dans les rues, impression trompeuse car sur la place principale en soirée, quelque chose se prépare. Une scène est dressée et des musiciens grattent quelques accords. C'est là que les habitants se retrouvent, les vieux papotent, les gosses courent en tous sens, et deux "food-trucks" sont installés sur la place. Super, j'ai trouvé où et quoi manger pour ce soir: un gros panino chaud hamburger-patatine (*des frites) et une bière Moretti Limone, entouré de cette ambiance 100% sicilienne authentique. J'aime!

Le lendemain matin petit stop à Enna, peu touristique mais pas mal de circulation! Il faut reconnaître que le chateau médiéval en impose, mais dommage, la cathédrale était en réfection... Et près d'un petit parc public, un belvédère offre un panorama sidérant sur Calascibetta. A l'est, on devine une forme massive, très loin (à 100km!): même si c'est à travers une brume de chaleur, voici enfin mon premier contact visuel avec l'Etna!

Je repasse par Piazza Armerina, me voilà bloqué par un bouchon. Accident? Panne? Non, cette file de voitures en double file... c'est pour se ravitailler à la fameuse fontaine! Jerrycans, bouteilles, cubis, tout est bon!
La campagne est très belle, pas verdoyante car la région est très céréalière et les moissons sont bien entamées. Les nuances vertes, ce sont des champs d'oliviers.
J'arrive à Caltagirone, petite ville renommée pour son industrie de la céramique. Je confirme, il y a de nombreux ateliers et magasins de céramique en ville, il y en a sur les façades, les fontaines, et surtout... Mais j'ai faim (ouh la cassure! un peu de suspense...). Une sfoglia (pâte feuilletée) ricotta-épinards, une bière Messina (produite à Milan?!), et un granita au café (pas mon préféré) et on repart.
Je disais quoi? Oui, je suis en bas du symbole de la ville et de son art de la céramique. En bas? En effet, le scalinata Santa Maria del Monte est un incroyable escalier de 142 marches décorées à la verticale de superbes motifs en céramique. Il relie la ville basse à la ville haute, à son sommet trône l'église Santa Maria del Monte.

La chaleur devient accablante. Nous sommes aux débuts de cette vague de chaleur qui va faire rissoler une partie de l'Europe jusqu'en juillet. Allez, prochain arrêt: Ragusa!


Ragusa et Syracuse

En fait, il n'y a pas une ville de Ragusa, mais deux! Sache qu'en 1693, un tremblement de terre dévasta la majorité de la cité. alors il s'est passé un truc pas banal: non seulement on a reconstruit une ville plus haut, aux rues rectilignes avec de somptueux monuments, mais la ville "originale" fut aussi rebâtie en gardant sa topographie toute médiévale avec ses ruelles tortueuses. En haut, c'est "Ragusa Superiore"; en bas, c'est "Ragusa Ilbia".
Ragusa Superiore ne manque pas de panache, avec sa belle cathédrale San Giovanni Battista et ses palais cossus avec le corso Italia pour colonne vertébrale. Jolie architecture. C'est là que je me suis garé, mais bon on s'en fiche...
Pour aller à Ragusa Ilbia, il faut descendre une série d'escaliers (qu'il faudra remonter!) qui offre des points de vue à tomber sur la vieille ville.
Malgré que Ragusa soit inscrite à l'Unesco depuis 2002, il n'y a pas tant de touristes; j'ai pas croisé grand-monde! Le fait de savourer le cacher médiéval de la cité n'en est que plus profitable. L'épicentre en est la Piazza Duomo et son imposante cathédrale San Giorgio. Par contre, les 35 degrés à supporter, c'est autre chose! Je croise un gars qui lave son Vespa avec un tuyau d'arrosage, je mets les mains en coupe et demande si je peux; il acquiesce, souriant, et je m'asperge la tête de bonne eau fraîche.

Je n'aurai pas le temps de visiter Modica, dommage j'aurais bien goûté sa spécialité. Mais coup de chance! à Ragusa je découvre une boutique de produits régionaux et trouve ce fameux chocolat de Modica, très particulier car fabriqué "à froid" (+/- 35°C), où le cacao n’est pas séparé du beurre de cacao. Comme le sucre ne fond pas, ça lui donne cette curieuse texture un peu grossière et granuleuse, qui n'a rien à voir avec les chocolats qu'on connaît.
http://www.italia.it/fr/idees-de-voyage/se-restaurer/le-chocolat-de-modica.html

On va maintenant filer vers la côte est de la Sicile, pour découvrir (et y passer la nuit!) une cité qu'il serait sacrilège d'outrepasser lors d'un voyage sur l'île: ancienne cité grecque prospère, à l'Unesco depuis 2005, la presqu'île d'Ortigia... Tu y es ? Je te présente SYRACUSE!

La périphérie de la ville et le trafic bordélique ne t'extasieront pas (comment j'ai pu placer ce verbe?!), ensuite en traversant celui des 2 ponts le plus au nord, on accède à un vaste parking en majorité payant, mais on peut dégoter quelques places gratuites; j'ai eu cette chance.

Ortigia n'est pas immense: 1km de long sur 500m de large. Pour rallier ma chambre Airbnb, je me fais déjà une idée sur la ville en longeant le front de mer, d'où les vieilles maisons regardent vers l'horizon (elles essaient de voir la Grèce, mais A 500km à vol d'oiseau, un peu loin non?). Je me faufile enfin dans de calmes petites ruelles à l'écart du gros flot touristique et pose mon sac chez Lidia. Je prends les clés au bar voisin car, dommage, je ne la verrai pas, elle bosse ce soir, étant costumière au Théâtre Grec durant les spectacles d'été.

OK c'est parti pour la découverte de cette magnifique vieille ville au gré de ses ruelles dallées. Elle aussi a trinqué lors du séisme de 1693, mais elle s'est relevée et s'est parée à nouveau de palais et bâtiments somptueux. Je continue le tour de la presqu'île par le front de mer jusqu'à la pointe sud où se dresse la Castello Maniace, du 13ème siècle. Sur le "côté ouest" d'Ortigia, je remarque davantage de monde. Sans doute est-ce dû au défilé de terrasses de restos et aux boutiques de souvenirs; hé oui, ça les attire comme des mouches, et puis on n'est plus en Sicile "intérieure"! Une curiosité: la Fontaine d'Aréthuse, une source d'eau chaude bordée de papyrus, où les quelques canards ont l'air de s'emmerder ferme (...).

Je m'enfonce dans le centre d'Ortigia, passe près des vestiges du Temple d'Apollon, puis sur la Piazza Archimede avec sa jolie fontaine de Diane et remonte au gré des petites rues, certaines maintenant sacrifiées au Dieu Commerce, jusqu'à la Piazza Duomo. Houlala, choc visuel!
Elles est sublimissime! Sa cathédrale d'origine byzantine et remaniée à la sauce baroque côtoie la basilique Santa Lucia.
C'est clairement le centre névralgique de Syracuse en soirée.
Mais j'aime bien sortir des sentiers battus, surtout pour manger. J'avais repéré de loin un food-truck près du premier pont, face à la presqu'île. J'y vais en soirée, ça paie pas de mine mais c'est bon marché et 100% autochtone (produits comme clientèle!). Les touristes ne connaissent pas. Je repense à ce délicieux panino à la viande de cheval (typique de cette région de Sicile) avec une bonne bière pour le faire descendre. Ensuite retour sur la Piazza Duomo en savourant un bon granita au citron (un de mes préférés).

Et ceci... juste pour se faire plaisir:
https://www.youtube.com/watch?v=223tksvu7uw


Catane et Taormina

Je pars de Syracuse, non sans avoir fait un crochet pour voir la basilique della Madonna delle Lacrime, toute récente (1953) et au design plutôt futuriste, construite parce qu'une icône de la Vierge s'était mise à verser des larmes.

Alors où c'est qu'on va aujourd'hui? On va continuer vers le nord, parallèle à la côte mais sans la longer, sur 70km. Cap sur Catane, la deuxième ville de Sicile après Palerme et sa "capitale" économique.
Catane a aussi la caractéristique d'être la ville la plus chaude de l'île: on dépasse facilement les 40°C l'été! J'appréhende un peu; mais le ciel est un peu couvert ce matin, le soleil peine à percer. Je prends l'autoroute, et en me rapprochant de Catane, je LE cherche au loin, et enfin je LE vois. Il est à 30km mais il est omniprésent, dirai-je même omnipotent. Ton esprit perspicace a deviné que je parlais de l'Etna! Ici, c'est lui le boss. Pas de discussion!
Entrée difficile en ville, car travaux en cours: on passe de 3 à 2 bandes de roulage...logiquement. Pour les siciliens, le fait qu'il y ait 2 bandes ne les empêche pas de se serrer sur 3 files, le rétro à 10 cm de celui du voisin. Je suis "pris" au milieu, je fais gaffe et je réussis à déboiter pour sortir de là. Je trouve un parking, quelle chance je suis à deux pas du centre-ville!

En 5 minutes, après avoir traversé un petit parc, j'atteins l'endroit où se tient chaque jour l'inénarrable marché aux poissons; avec ses vociférations, ses odeurs, ses poissons ouverts en deux, il est une valeur sûre pour les habitants, malgré qu'il soit un peu devenu une attraction touristique, un peu comme son confrère palermitain de la Vucciria. C'est tous les jours, sauf dimanche. Des fois, j'ai la poisse: on est dimanche... Il y a quand-même quelques stands en activité.

Ouvres grand les yeux, on arrive sur la Piazza Duomo, entourée de fastueux palais et de la cathédrale Sant'Agata, de style baroque et restaurée après le séisme de 1693 (encore lui!!). Sur la Piazza, on voit aussi la fontaine de l'Eléphant, l'emblème de Catane, avec un pachyderme en lave noire supportant une obélisque. Elle me rappelle la fontaine de la Piazza Minerva à Rome.
De la Piazza débute la Via Etnea, rue principale de la ville, toute dallée en basalte de lave de l'Etna. C'est de cette rue qu'on jouit de LA perspective de rêve sur le géant, qui semble tenir la cité en respect de là-bas.
Catane a d'ailleurs subi sévèrement une des plus grosses colères du volcan en 1669, dont les coulées de lave parvinrent à atteindre la ville; on en voit encore les traces dans les vieux quartiers, les bâtiments reconstruits épousant carrément les reliefs de magma refroidis! La vieille ville se trouve quelques rues au nord de la Piazza Duomo, par endroits l'état de délabrement rappelle certains coins de Palerme.
https://www.go-etna.fr/blog/eruption-etna-1669/

Quoi d'autre? L'amphithéâtre romain, en partie enseveli par la lave et en plein centre-ville, face à l'église San Biagio; et le Castello Ursino, du 13ème siècle, dont les douves furent en partie ensevelies par les coulées de lave de 1669. Et dire qu'il était quasiment en bord de mer avant cet événement, mais la lave refroidie le fit "reculer" presque à 1km à l'intérieur des terres!
Le soleil se montre, la chaleur augmente. On repart? Toujours vers le nord, prochain stop à Taormina!

Elle est "à double tranchant", cette petite ville de Taormina, posée entre Catane et Messine! Cette cité médiévale possède deux portes fortifiées, reliées par la rue piétonne principale, le Corso Umberto. Pas mal de façades de maisons sont pourvus de balcons en fer forgé; parfois abondamment fleuris. La Piazza Duomo est mignonne, avec sa fontaine et l'Hôtel de Ville.
Par contre, pour voir le joyau de Taormina, j'ai nommé son Théâtre Grec, prie Sainte-Patience: la file est longuette, mais on ne peut nier que l'endroit est magnifique, très bien conservé, et la vue sur la mer est sans égal! Des pièces et des concerts s'y donnent en été.
MAIS voici le côté "face": Taormina est ultra touristique, le Corso Umberto est un défilé de restos et boutiques parfois chic, elle est même un peu snobinarde.
Ici la langue anglaise domine l'italien, et les serveurs des bars sont ds robots polyglottes qui se foutent du fait que tu as appris la langue locale. Bref, une saveur aigre-douce que me laisse Taormina, ce qui n'enlève rien à sa beauté!

La suite du périple va être beaucoup plus intéressante...


Sa Majesté l'Etna

Au risque de te décevoir, j'ai choisi de ne pas visiter Messine. Voilà, c'est dit. Mais cet écart sera largement compensé par un grand moment de ce voyage. Tu le vois au loin, l'Etna? On y va?

Je quitte donc Taormina et file vers l'ouest, en passant par Linguaglossa. C'est vrai que la meilleure approche du volcan se fait par le sud, mais le nord de l'Etna est nettement moins touristique, c'est ce que je recherche!
C'est dans le gros village médiéval de Randazzo que je poserai mon sac pour deux nuits. Rien que la route pour s'y rendre est un régal. Sur ma gauche le sommet du colosse est bien en vue, des fumerolles s'en échappent! Devant moi, au loin, commencent les reliefs montagneux du parc des Nebrodie. Ces amas rocheux qui touchent presque le bord de la route (il y en a des deux côtés!), ces sont des anciennes coulées de lave. Jusqu'ici?? C'est à la fois inexprimable et effarant ...

Randazzo est un gros bourg tranquille, avec ses petites rues qui offrent parfois une échappée sur l'Etna, et quelques églises intéressantes. En s'éloignant un peu à pied dans la campagne, on profite d'une vue de "ouf" sur l'Etna.
C'est dimanche, et à première vue, c'est jour de fête. J'observe des petits stands de nourriture et des banderoles sur une placette, plus tard j'entends des détonations: on tire des feux d'artifice, mais en plein jour. Etonnant!
En début de soirée, des jeunes communiants sortent de la basilique Santa Maria et vont défiler dans les rues au son d'instruments traditionnels. Religion et tradition se mêlent, ce moment appartient aux habitants, ce n'est pas un show pour touristes. Je savoure cet instant, en restant discret... Je ne me couche pas tard; demain est une journée importante. Je pense que tu vois où je veux en venir?

Je démarre tôt ce matin, il est 7 heures. Comme je suis basé au nord de l'Etna, pour rejoindre le Rifugio Sapienza au sud, pas d'autre choix que de le contourner. Ce sera par l'est, par Zafferana Etnea. Et les paysages traversés ne sont pas forcément ceux qu'on croit! Car après les coulées de lave solidifiée entre Randazzo et Linguaglossa, voici que s'étalent de beaux vignobles au gré de petites routes bucoliques. On y produit les 3 robes de vins (rouge, rosé, blanc), et les cendres volcaniques associées à un microclimat sont tout bénéfice pour faire fructifier cette industrie!

Après Zafferana Etnea, les choses plus sérieuses vont débuter. La route commence à grimper, à se mettre en lacets, les panneaux "attention chutes de cendres" fleurissent. Le panorama se dégage de plus en plus. La route se faufile au milieu d'un paysage surréaliste d'amas de lave d'une épaisseur parfois telle qu'il faudrait se pincer au sang pour y croire. La végétation, mêlant maigres arbustes et conifères, a quand-même réussi à s'accrocher au sol volcanique.

Le Rifugio Sapienza est en vue. Soyons francs: le mythe Etna s'effrite un tantinet: parkings XXL (payants, ben voyons), boutiques de souvenirs, snacks, matériel de rando... et j'en oublie. A cette heure, les autocars n'ont pas encore déversé leurs flots de touristes. Je grignote un truc vite fait, je trouve un endroit gratuit pour la voiture (en cherchant bien ça existe).
Bon, c'est le moment de faire les présentations.

L'Etna, 3330 mètres de haut, 250km de pourtour, le plus haut volcan actif d'Europe. Des accès de colère qui se traduisent en éruptions cauchemardesques et coulées de lave de plusieurs km. Des quintes de toux qui libèrent de telles quantités de cendres qu'il peut faire fermer l'aéroport de Catane. MAIS aussi un sol fertile aux alentours proches, permettant la culture de la vigne et des agrumes. Fascination, crainte, terreur, respect. Tout est dit.
https://www.notre-planete.info/actualites/3660-eruption_volcanique_Etna

Je prends le téléphérique, qui m'amène à l'altitude de 2500m. Arrivé là-haut, attention il fait très venteux et frisquet! Coupe-vent, voire doudoune conseillés!
Je continue en T-Shirt (j'ai une notion du froid assez particulière). Resto, boutique de souvenirs, et cette armada de véhicules 4X4, mi-camion mi-bus avec de gros pneus. Il sont là pour acheminer les touristes flemmards 400m plus haut. Merci bien, j'y vais à pied! J'évolue au milieu d'un paysage lunaire, rocailleux, avec les traînées de poussière cendreuse laissées par les 4X4. Mais à pied, on peut s'écarter de la piste sans problème, s'approcher des petits cratères éteints et jouir d'une vue d'anthologie. Mais quand le vent violent s'amuse à propulser des grains de cendres à une vitesse folle en plein sur les mollets ou la nuque, crois-moi que ça picote pas mal!


L'Etna: la suite

J'atteins les 2900m, j'écarquille les yeux devant le sommet si proche crachant ses fumerolles, mais désolé je ne vais pas aux 3330m. Cette concentration camions, les tarifs un peu exagérés ne me tentent pas trop. Je redescends à pied jusqu'au téléphérique pour redescendre à Sapienza dans l'après-midi.
Je n'avais pas remarqué tout de suite ces traces de blanc immaculé parfois cachées par les cendres; en grattant un peu du pied, je m'aperçois qu'en fait c'est de la neige!

Maintenant on va aller voir de l'autre côté, au pied du versant nord. De ce côté, le paysage se fait plus boisé, même si les couches de lave solidifiée nous rappellent que le volcan fait toujours la loi ici! En bord de route, j'aperçois un panneau discret "Grotta delle Neve". Tiens, je vais aller voir ce que c'est. après 5 minutes de sentier à travers un bois de bouleaux, j'atteins une cavité accessible via une petite volée de marches taillées dans la roche. Sensation étrange de passer, en quelques secondes, de presque 30°C à une fraicheur telle qu'on voit la "buée" de mon haleine! Hé bien, c'était autrefois une ancienne glacière à neige, celle-ci venant des versants du volcan, puis transformée en glace et revendue.

Je bifurque vers Piano Provenzana, au pied du versant nord de l'Etna. Le constat est très clair: c'est beaucoup plus sauvage, plus boisé et moins touristique! Il y a 4 ou 5 voitures maximum, et contrairement à la descente de la route "Etna sud", je n'ai croisé aucun autocar! En tout cas, le décor est différent: les coulées de lave on tracé des sillons gigantesques à travers la forêt, laissant des arbres intacts à 10 mètres des chicots de bois complètement calcinés par le magma. Il y a même un ancien refuge entouré de blocs de lave, mais miraculeusement épargné. Atmosphère vraiment aux antipodes du carnaval commercial autour du Rifugio Sapienza!

Je rentre à Randazzo en fin d'aprem, je profite de la soirée dans ce village paisible. La région de l'Etna étant aussi connue pour la culture de la pistache (surtout du côté de Bronte), je ne pouvais manquer de déguster un granita composé avec ce fruit sec.
Je suis enchanté de ma rencontre avec Sa Majesté l'Etna.
https://www.youtube.com/watch?v=KRVfvLqmgyE
(* c'est le vent qu'on entend!).


Nebrodi et Madonie, la Sicile côté nature

Il est temps à présent de s'enfoncer dans cette région montagneuse, au nord de l'île, alternant bois de feuillus, terres céréalières et prairies: le parc des Monts Nebrodi. Cette jolie mosaïque de couleurs et son relief ondoyant pourraient évoquer la Toscane si il y avait des cyprès alignés! C'est très agréable de rouler à travers ces petites routes bucoliques; peu de circulation, villages espacés... J'ai même croisé un petit village abandonné que j'ai exploré rapidement malgré les clôtures; oui je sais, je suis incorrigible avec les "interdits"!

Je fais halte à Sperlinga, petit village à l'ouest du parc, blotti près d'un énorme rocher et gardé par un massif chateau du 15ème siècle, en partie bâti dans la roche. Plus bas, on trouve encore des habitations troglodytiques.
Quelques km après le village, un genre de panneau explicatif attire mon attention. Un truc historique, une curiosité naturelle? En fait, non. C'est à cet endroit qu'en 1943, l'illustre photographe Robert Capa prit le cliché d'un paysan du coin indiquant à un soldat américain la direction par où les troupes allemandes étaient parties.

J'approche du village de Gangi, et par la même occasion, pénètre dans le parc naturel des Madonie.
En gros, il se situe au nord de l'île, entre Palerme et Cefalù. Côté paysages, le sud des Madonie, où on va, est plutôt la continuité de ceux des Nebrodi. Tu verras demain que le nord a un relief vraiment plus montagneux.
En attendant, je m'arrête à Gangi qui, vu de loin, a une apparence curieuse. Village perché? Pas réellement, car il recouvre toute la colline sur lequel il se pose, de façon homogène, très compacte. Même les édifices religieux se noient dans la masse. Ce n'est pas un village pour les voitures! Et même à pied, grimper jusqu'à la Piazza del Popolo se mérite, de ruelles pentues en escaliers étroits. Cette place est l'épicentre du village avec sa fontaine, son église, sa terrasse panoramique et son petit bar d'habitués. Petit bar où justement je vais m'envoyer un gros panino garni de charcuterie locale. Et je me rends compte que depuis le début du voyage, je me suis très peu sustenté dans des restaurants, tant la "street-food" sicilienne est délicieuse et pas chère!

Je passe une nuit dans un agriturismo (équivalent des chambres d'hôtes de France), perdu en pleine campagne à quelques km de Gangi au milieu des champs et des vignes.
http://www.agriturismocapuano.com/index.htm

Le matin suivant, après un gargantuesque petit-déj' comme la Sicile rurale en a le secret, je vais poursuivre mes baguenaudages (va placer ce mot dans une conversation...) dans le sud des Madonie. J'arrive à Geraci Siculo, un peu au nord de Gangi. La route pour y aller est superbe, tout en virages, et ce petit village est du même acabit, archétype d'un petit bourg de montagne où le touriste est une espèce rare.

Le gérant de l'agriturismo m'a suggéré de faire un tour à Blufi, m'expliquant qu'il y a un truc insolite là-bas.
Le village est banal, mais à 3km on trouve un petit monastère peu connu: le sanctuaire della Madonna dell'Olio. Bon alors, qu'y a-t-il d'inhabituel ici? A 200m du monastère, j'atteins une source dont la sortie est creusée dans la roche. Là tu dis "oui, de l'eau, et après?". Attends, regardes bien... c'est pas de l'eau, c'est de l'huile minérale! Une source d'huile, comestible je sais pas, mais une longue perche finie par un genre de gobelet permet d'en recueillir. D'après la personne s'occupant du monastère, elle soignerait les maladies de peau. Tu comprends mieux le nom de "Madonna dell'Olio"?

Ce coin de Sicile est vraiment magnifique et peu fréquenté.
J'ai l'occasion de traverser plusieurs hameaux restés "dans leur jus", avec le marchand de fruits et légumes qui passe en fourgonnette, en klaxonnant au niveau de chaque client qui l'attend. Plus au nord, voici les deux "Petralia". En fait ce sont deux villages proches, posés sur leur colline. Petralia Sottana, le plus bas, compte plusieurs églises dont la Chiesa Madre, avec son panneau de marbre répertoriant d'anciennes mesures agraires. Plus haut, Petralia Soprana, à l'allure nettement médiévale avec ses ruelles pavées et ses fontaines; il est le village le plus haut des Madonie, on peut voir l'Etna d'ici!

Dans le nord des Madonie, le paysage change, devient plus escarpé et montagneux. Les vaches et moutons se baladent sur la route (levez le pied) et l'état de la route laisse parfois à désirer, avec des portions défoncées et des nids-de-poule. Les cultures laissent place à l'élevage, pour se substituer ensuite à de grands espaces boisés. Et ça grimpe, ça descend, ça tourne... Arrêt à Isnello, petit village accroché au versant de la montagne. La mer n'est plus qu'à 20km au nord. En descendant les routes de montagne, apparaît bientôt au loin un liséré bleu: la mer! On va la voir? Alors, cap sur Cefalù!


Cefalù et Milazzo

La route qui dévale de Madonie me fait déjà le cadeau d'une vue formidable sur les toits serrés de la vieille ville de Cefalù et de son gigantesque rocher (La Rocca), encore hérissé d'ancien remparts et d'une forteresse au sommet. en ayant l'imagination fertile, on pourrait penser à Rio de Janeiro et son Pain de Sucre!

Parkings payants à la pelle, mais j'ai trouvé un bon plan, à condition d'aimer la marche: le parking du cimetière est public, gratuit et sûr. Pour rallier la vieille ville tu en as pour 15-20 minutes de trotte. A toi de voir.
J'entre en ville par le Corso Ruggero, l'artère principale de Cefalù, en majorité piétonne même si quelques voiturses s'y risquent. Pour ma chambre Airbnb, j'ai tiré le jackpot: elle donne pile en face de la cathédrale! D'allure assez massive, elle fut érigée par les Normands (ils ont laissée des traces un peu partout sur l'île!).

Allons un peu explorer cette vieille ville de Cefalù. Je ne dirai pas que c'est un lacis de ruelles, celles-ci étant plutôt rectilignes et reliant le Corso Ruggero au bord de mer. Mais je t'avertis qu'on retombe dans le "touristique": défilé de boutiques de souvenirs, davantage de foule que dans les petits villages des Madonie; mais c'est différent de Taormina, c'est plus populaire, moins guindé. T'es pas seul(e), mais ça ne t'étouffe pas. Enfin, faut voir en plein mois d'août aussi...
Sinon, en prenant des ruelles moins passantes, on retrouve plus d'authenticité; une vespa me dépasse, je vois des mini-autels dédié à la Vierge. Mais la mer est tout près, on n'irait pas la voir? La Porta Pescara, porche fortifié, donne accès à une petite plage et au "clou du spectacle" de Cefalù: le minuscule port et sa vue sans égale sur ces vieilles bâtisses collées les unes aux autres, les pieds dans l'eau (en fait, pourquoi on dit çà? Ça a des pieds une maison??). Ça me rappelle les maisons d'Erbalunga en Corse.

En quittant le port, en contrebas d'une ruelle on trouve un curieux lavoir médiéval alimenté par une rivière souterraine. Mais le soir tombe, il est temps de chercher bonne pitance. Allez, pour une fois, un resto un peu à l'écart, pas trop touristique. Entrée: cacio argenteria (tranche de fromage caciocavallo avec ail, origan, huile et vinaigre), plat principal: pasta al taianu (grosses pâtes avec sauce tomate et viande) et un dessert au marsala.
Derniers pas sur la plage, retour au bercail avec la cathédrale et la Rocca illuminées en face.
https://www.tavernatinchite.com/

Le lendemain, je pars vers... Milazzo? Hé non! Tu sais que mes itinéraires sont parfois décousus; en fait aujourd'hui je rends la voiture de location à l'aéroport de Palerme, puis je rejoins la gare centrale pour aller à Milazzo. J'aime toujours, à l'occasion, utiliser les transports locaux. Ce sera le train! Pas de rapide Frecciarossa ici, ce sont des trains régionaux qui ne sont pas pressés et qui font beaucoup d'arrêts. Des trains pour les siciliens, pas pour les touristes! La clim? On abaisse la vitre et on laisse entrer le vent. Il fait crevant de chaud aujourd'hui en plus. 200km, 3 heures de trajet!

Si tu arrives à Milazzo en train, attention: la gare est à 4km du centre-ville. Alors, c'est taxi ou bus. Le bus marque l'arrêt près du port, d'où partent les bateaux pour les ïles Eoliennes. D'ailleurs, sur le trajet du train le long de la mer, on aperçoit bien Lipari et Salina. Ne trépignes pas, on y arrivera bientôt!
Milazzo, c'est une petite ville paisible, avec une belle promenade de bord de mer et un vieux quartier assez coloré, surplombé par un chateau fortifié d'où on a une jolie vue sur le golfe de Milazzo. Dommage que la raffinerie proche vienne pourrir le panorama!
Dans l'enceinte du chateau, l'ancienne cathédrale a la particularité d'avoir un dôme de faible hauteur, ceci afin de laisser passer à l’époque les boulets des canons du fort!
Les rues de la ville sont assez calmes, Milazzo étant principalement un "tremplin" pour partir à la découverte des Îles Eoliennes. Tu devines déjà ou on va demain?

Me voici arrivé au principal "point-charnière" de mon périple; je quitte la Sicile proprement dite pour voguer vers les Îles Eoliennes!!


Îles Eoliennes - Vulcano

Je suis loin d'être tout seul ce matin sur le quai à Milazzo.
C'est d'ici que partent les bateaux de la compagnie "Liberty Lines", qui feront escale dans chaque île de l'archipel volcanique pour faire pareil au trajet retour. On est vendredi, veille du weekend, et il y a du monde!

Les Îles Eoliennes sont 7: Vulcano, Lipari, Salina, Panarea, Stromboli, Alicudi et Filicudi. J'en visiterai quatre. Elles ont toutes une origine volcanique mais seules Vulcano et Stromboli ont encore un volcan actif. Inscrite à l'Unesco depuis 2000, ce qui n'a rien de surprenant!

Bon, ça y est, j'ai embarqué dans l'aliscafo... le quoi? Pardon, je t'explique: en français on dirait un "hydroptère". En gros, c'est un bateau dont la coque quitte le contact avec l'eau à grande vitesse, pour se maintenir en équilibre à l'aide de... je sais pas trop comment ça se nomme, mais on dirait des skis géants. Voilà. Et c'est vrai que ça file!
Vulcano en vue! C'est la plus proche de Milazzo. Le volcan m'attend, crachant placidement ses fumerolles de soufre. Le minuscule village de Vulcano Porto est entouré de roches. Mais pourquoi crispes-tu tes narines en descendant sur la quai? Oh, je t'ai pas dit: l'odeur d'oeuf pourri? c'est le soufre! Il ne dort pas, notre volcan! Il se dit même que lorsqu'il se réveillera, ce sera assez brutal et les gens présents sur l'île ne vont pas aimer du tout!

Outre le volcan, ce qui attire les touristes ici, ce sont les bains de boue sulfureuse, à deux pas du port. C'est payant, touristique, donc sans moi! Les "curistes" savent-ils qu'il leur faudra de multiples douches pour se défaire de la très tenace odeur du soufre?

Bon, je dépose mon sac à l'hôtel (le check-in n'est qu'à 13h) et je fais déjà un petit repérage dans le village. Un mini-supermarché, c'est ce qu'il me faut. Je m'achète une bouteille d'eau, puis sans préambule, je suis la rue principale jusqu'au début du sentier qui marque le début de l'ascension du volcan. Celle-ci dure une bonne heure, par une dénivelée pas trop éprouvante mais sur un terrain souvent meuble (les cendres) et rocailleux. C'est mieux de monter le matin, il fait moins chaud. Encore que ça tape déjà dru! Moi qui pensais avoir un peu de fraicheur sur les îles, suis-je naïf...

On est loin des 3330 mètres de l'Etna; le sommet culmine ici à 500m. La vue est sublime: Lipari, toute proche, et en arrière-plan les deux mamelons caractéristiques de Salina, sur le fond bleu de la mer Tyrrhénienne. Un dernier effort, voici le sommet atteint, et l'immense cratère s'ouvre devant moi. Hallucinant et déroutant à la fois! On dirait presque un impact de météorite dans un film catastrophe! L'effet est accentué par ces fumerolles jaunes, qui ont l'air jolies comme çà, mais ne commets pas l'imprudence d'aller respirer ce poison: le soufre, mêlé à l'air et la vapeur d'eau, se change tout bonnement en acide sulfurique! Pas recommandé pour les bronches, crois-moi. Certains jouent aux héros en tentant de humer ce cocktail: ils s'en mordent les doigts jusqu'à l'os, pleurant, toussant et crachant. Non je ne l'ai pas fait (pour une fois que je suis raisonnable, hein)!
https://www.youtube.com/watch?v=Ldg1PE3Emjk

Allez, je redescends, mange un morceau au petit bar au pied du volcan, et rentre à l'hôtel où je vais un peu souffler cet après-midi; un peu de relâche, je l'ai bien mérité, quand-même! J'irai me balader en soirée dans le petit village aux maisons blanches, certains secteurs étant très touristiques mais certaines ruelles "de traverse" beaucoup plus paisibles et même très fleuries. Quelques pas les pieds dans l'eau sur la plage de sable noir, avant d'aller faire dodo. Demain, on a rendez-vous avec Lipari!


Îles Eoliennes - Lipari

Vulcano et Lipari sont si proches l'une de l'autre que la traversée dure à peine 10 minutes. Je débarque donc sur Lipari, l'île la plus grande de l'archipel des Eoliennes, la plus peuplée mais aussi la plus touristique. Heureusement, à la fin juin ce n'est pas encore trop saturé.
C'est au coeur de la charmante vieille ville de Lipari que je passerai deux nuits, dans une maison d'hôtes sise dans une ruelle au calme.
Les deux voies principales, très commerçantes, sont la Via Garibaldi et le Corso Vittorio Emanuele II (je ne compte plus le nombre de rues en Italie portant ces noms!). Et les petites rues pavées de la vieille ville, bordées de maisons blanches ou ocres, souvent bien fleuries, ne sont pas trop asphyxiées par les commerces de souvenirs tape-à-l'oeil.

En surplomb de la ville, le "Castello" est en fait un genre d'ancien fort entouré de remparts posés sur un piton rocheux, relique de l'activité volcanique de Lipari. Dans l'enceinte du Castello, deux ou trois petites églises et surtout, la cathédrale San Bartolomeo, à laquelle on accède par un grand escalier. Le Castello est encore un coin préservé, loin de l'agitation de la ville et du port en contrebas.

Et il est craquant ce petit port, étalé au pied du rocher du Castello, avec ses barques de pêche, son petit pont, ses vieilles maisons et sa petite église San Giuseppe! Derrière l'église s'étend un petit dédale de venelles où les gamins se font un foot et les vieux, assis devant leur porte, s'échangent les potins du quartier. Les touristes ne s'y aventurent pas trop, préférant sans doute les restos du port aux tarifs parfois salés (qu'ils critiqueront ensuite sur Tripadvisor!). Moi j'ai trouvé un vrai magicien des panini pas loin du port; c'est la vérité: ils font partie des meilleurs que j'ai pu manger en Italie.
http://www.gilbertoevera.it/index.html
Ensuite j'ai pu savourer un granita aux figues, typique des îles Eoliennes.

Le lendemain matin, je me rends au port principal (celui d'où partent les bateaux pour les autres îles), pour récupérer une voiture de location pour un jour. Celà sera suffisant, le tour de l'île faisant à peine 40km. J'hérite d'une Fiat Punto décapotable, pas de première jeunesse mais bon marché car c'est un loueur local. Alors en avant, les cheveux au vent!

Ma première halte sera Canneto, petite ville assez quelconque mais possédant une longue plage de galets. Au loin se profile l'île de Panarea, et derrière, à moitié caché, Stromboli (alors le volcan, on fait son timide?).
Le long de la côte, je longe bientôt un des témoignages de l'intense activité industrielle qui anima l'île autrefois. Les anciennes installations près de la plage de Porticello servaient à extraire la pierre ponce, cette roche très poreuse qui se permet le luxe de flotter sur l'eau! L'activité s'est arrêtée vers 2007, une clause de l'Unesco interdisant de continuer à "dénaturer" le site. Résultat: du matériel à l'abandon, et une centaine d'ouvriers se retrouvant sans travail! Patrimoine mondial, mais effets pervers...
https://www.ina.fr/video/CPC96006006

Plus loin, on aperçoit les restes d'une veine d'exploitation d'obsidienne, une roche volcanique riche en silice provenant du refroidissement de la lave. Je croise des scooters et des amusantes Mehari de location (tu sais, comme dans "le Gendarme" avec de Funès!). Je m'arrête brièvement à Acquacalda pour monter vers l'intérieur de l'île, jusqu'au petit village dispersé de Quattropani, avec son sanctuaire et sa vieille église perdue dans la campagne. C'est la Lipari rurale, antithèse de l'agitation de la ville en contrebas. La vue sur les autres îles est éblouissante: Salina est si proche, et plus loin Alicudi et Filicudi se dessinent dans la brume de chaleur. Car il fait encore caniculaire aujourd'hui! Ce qui me vaudra d'ailleurs un "aahh!" de douleur en me rasseyant dans la voiture: hé oui, des sièges en cuir en plein soleil, ça donne ce genre d'onomatopée!!

Un petit resto de campagne, un plat typique (du lapin à la sauce aigre-douce) puis je me balade dans les vignes aux alentours de Quattropani. Paysage serein et de toute beauté!
Je découvre maintenant un autre endroit insolite de l'île: des anciennes carrières de kaolin, une roche qui était ici utilisée dans la fabrication de la porcelaine; les nuances de blanc et rose de la roche sont du plus bel effet. En contrebas s'étirent les falaises abruptes de la côte ouest.
4km plus loin, voici le paisible village de Pianoconte et dans ses environs, les anciens thermes de San Calogero, qui ne sont pas d'un intérêt renversant. Avant de redescendre sur Lipari, dernier arrêt et pas des moindres au belvédère de Quattrocchi, avec ce panorama à tomber sur la côte et Vulcano.
https://www.youtube.com/watch?v=fcd2zbbnAO4
(* tu vois ainsi la vitesse d'un aliscafo!).

Reposons-nous bien, demain nous allons sur Salina!


Îles Eoliennes - Salina

Pour rejoindre l'île de Salina ce matin, je ne prendrai pas d'aliscafo. "Oh, tu y vas à la nage?". Arrête tes bêtises, j'y vais par la mer, mais en ferry classique cette fois, histoire de comparer! C'est la compagnie Siremar qui gère les trajets en ferrys qui transportent passagers et véhicules dans les îles où la circulation est autorisée. Plus gros, moins rapides, il sont davantage faits pour les îliens que pour les touristes.
Alors que les navires de Liberty Lines sont bondés, il est étrange de voir l'immense salle des passagers du ferry vide ou peu s'en faut. On n'est que 4 ou 5, et quelques autres sur le pont. Le trajet dure 50 min contre 20 min pour les aliscafi qui nous dépassent à vive allure. Après avoir longé Lipari, je débarque au petit port de Santa Marina, le bourg principal.
https://www.youtube.com/watch?v=NDGeJsLagm0

Nous sommes sur la deuxième plus grande île de l'archipel, reconnaissable à ses deux anciens volcans presque jumeaux et recouverts de végétation. La première vue d'ensemble est très agréable; le petit port monte la garde devant le village blanc qui s'étale le long de la mer, avec ses deux églises. Au loin apparaissent Panarea, et surtout, ma prochaine destination: Stromboli! Mais une chose à la fois.
Je dépose mon sac dans un petit B&B au coeur de cet adorable village, aux petites rues bordées de maisons aux coloris divers; l'environnement végétal rehausse encore la beauté de l'endroit: les bougainvilliers sont en fleur, je vois même quelques palmiers!

Pour visiter l'île, pas de voiture de location, je vais utiliser les bus qui sillonnent l'île: pas chers, horaires réguliers (à peu près toutes les heures), bref un service diablement efficace! Je me rends d'abord à Malfa, par une route tout en virages au sein d'une végétation plutôt luxuriante. Beaucoup de vignes aux alentours, qui partent à l'assaut des versants des vieux volcans. Car c'est sur Salina que l'on produit ce célèbre vin doux appelé "malvasia". Et ce petit village de Malfa, il est carrément ravissant! Les maisons blanches, pas serrées les une contre les autres mais plutôt éparses, alternent avec des parcelles de vignes, avec le bleu de la mer en toile de fond. Le mini-port en contrebas est choupinou tout plein (ho, je parle comme un débile, il m'arrive quoi là?). Il y a peu de commerces et peu de touristes (après, au plus fort de l'été, c'est sans doute une autre musique). Un petit barn un petit panino, une 'tite birra et c'est reparti par la route qui commence une petite grimpette jusqu'au hameau de Valdichiesa. Salina est vachement plus verdoyante que sa soeur Lipari, c'est ce qui accentue sa beauté par rapport aux autres. Avec la vigne, l'autre star de Salina c'est cet arbuste dont les petits boutons sont récoltés et mis en pot pour servir de condiment: les câpres!

Je descends près du sanctuaire della Madonna del Terzito et décide de faire le trajet à pied jusqu'à Leni. On se trouve ici dans la "vallée" qui passe entre les deux volcans; l'un des deux est même le point culminant de tout l'archipel éolien avec 961m d'altitude (battu de peu, le Stromboli!).
Cette balade au hasard des chemins de terre, au milieu de vignes et des agrumes avec çà et là quelques habitations rurales, est un régal. Le vis-à-vis des volcans et la mer qui dévoile sa frange bleue au loin me conforte dans mon ravissement. Mais me voilà à Leni. C'est un petit village empreint de sérénité, où quelques anciennes opulentes bâtisses bourgeoises se dorent au soleil. Aucun touriste ne s'aventure donc par ici? Oh zut, y a pas de boutiques de souvenirs "made in China" ici pour eux...

Retour à Santa Marina pour profiter de la soirée, avec un petit resto pour se caler un petit plat de poisson, poulpe et oignons blancs, avec la dégustation d'un verre de malvasia. Les rues sont presque désertes, c'est peu de monde comparé à Vulcano et Lipari! J'ai le sentiment que Salina est un peu délaissée au profit de ces deux dernières, sans parler de Stromboli. Ça m'a permis de découvrir une île magnifique, encore sauvage, peu courue, où la nature a encore son mot à dire.

Je me promène un peu sur la plage (pas terrible la plage, je te préviens) en scrutant une certaine île au loin; le crépuscule s'installe. Je disais "sans parler de Stromboli", hé bien si justement, parlons-en! C'est vers le volcan que mon regard est attiré comme un aimant. Et si jamais...? Et soudain, comme une réponse à mes pensées, je distingue une lueur rouge intense, ça dure quelques secondes; je discerne même des flashs d'appareils photos! a 40km de distance, je viens d'apercevoir ce à quoi je vais assister en "direct live" dans 24 heures! Prépares-toi, c'est demain le jour J!


Îles Eoliennes - Stromboli

Je trépigne d'excitation ce matin. Voici enfin venu le moment de se rendre sur l'île de Stromboli. Un trajet d'une heure et quart sera nécessaire, même en aliscafo, pour l'atteindre.
Entre les deux, le bateau marque une halte à Panarea, la plus petite île des Eoliennes, mais aussi la plus snob, la plus friquée. Les résidences de l'île appartiennent en grande majorité à des milanais fortunés. Pas intéressé, merci!

L'île de Stromboli se rapproche, le volcan grossit à vue d'oeil et monopolise toute l'attention. Son panache de fumerolles, la place écrasante qu'il tient sur SON île suscite un mélange de sentiments: ravissement, crainte, euphorie, enfin c'est difficile à bien définir... Le Roi des Îles Eoliennes est très actif et capricieux: on tousse, on crache sa lave plusieurs fois par heure depuis des siècles, et des fois malheureusement un "éternuement" plus violent fait des dégâts, comme en 1930: des habitation furent détruites à Ginostra et une nuée ardente tua 6 personnes. Les îliens ont appris à cohabiter avec le titan, ils le surnomment "Iddu", "Lui" en sicilien, car ils le considèrent comme une personne à part entière.

Je débarque enfin sur l'île la plus au nord et la plus excentrée de l'archipel. La plage noire, avec quelques barques de pêche, devance le petit village tout de blanc vêtu qui s'étire le long de la mer. Les ruelles en pente débordent de fleurs, et les petites maisons cubiques pourraient te donner l'illusion d'être sur une île grecque.
Le volcan semble surveiller de haut tout ce petit monde, comme un instit' surveille ses élèves dans la cour de récré.
Malgré sa vocation 200% volcanique, les bords de l'île sont très verdoyants. Dans ma chambre "chez l'habitant", il m'a été permis de recueillir quelques fruits de leur parcelle de citronniers et de les passer au presse-agrumes; jus de citrons pressés fait main! Plein de vitamines pour tout à l'heure!
https://www.gites.fr/gites_casa-agrumeto_stromboli_h2218677.htm

La petite place principale, avec sa petite église San Vincenzo, offre un beau point de vue sur la mer et le "Strombolicchio", ce petit îlot rocheux qui est une relique d'un très ancien volcan, et surmonté d'un phare. La zone est interdite d'accès. C'est justement sur la place que se trouve l'excellente agence de location de matériel pour l'ascension du volcan. Je loue ce qu'il faut: un sac à dos, des chaussures MONTANTES (point capital quand le pied s'enfonce entièrement dans la cendre!) et une lampe frontale (on descend de nuit). Sur le coup de midi je mange une pizza et une bière, puis je vais tremper mes pieds dans la mer sur la plage noire de Ficogrande. Quelle chaleur encore aujourd'hui! Mais je vais me reposer une partie de l'aprem, pour être au top quand j'irai faire connaissance avec "Il Signore" Stromboli...
http://totemtrekkingstromboli.fr/


L'ascension du Stromboli

17 heures. Nous y voilà. Je me rends sur la place principale, j'ai le temps 5 minutes pour faire des petites emplettes: une bouteille d'eau et 3-4 bananes (ça a l'air de rien mais c'est super nourrissant). L'agence que j'ai sélectionné pour l'ascension est la plus "réputée", dirons-nous: Magmatrek.
https://www.magmatrek.it/fr/

Ne t'attends pas à être seul(e): si la majorité des visiteurs viennent sur Stromboli, c'est justement pour grimper sur l'échine du Monstre! Des dizaines de randonneurs sont présents, en tenant compte qu'il y a quelques autres agences de guides sur l'île! Pour ma part je vais prendre possession de mon casque de sécurité (à mettre au sommet, sans discussion) et signe un genre de décharge comme quoi je reconnais les risques de l'ascension. Evidemment que j'en suis conscient, sans quoi je ne la ferais pas...

Alors, comment répartit-on tout ce joli monde? Simple: par critère linguistique. Voici donc notre groupe francophone constitué; on est une vingtaine, sous la houlette de notre guide Lorenzo. On démarre à partir de l'église, bien vite un sentier commence à zigzaguer en montant sans cesse. Difficile, la grimpette? Ecoute, ça dépend de tout un chacun. Le guide adapte son rythme pour les personnes moins aguerries à ce genre d'effort, c'est plutôt une allure de sénateur (enfin selon moi; j'ai des km de randos derrière moi), avec plusieurs arrêts ponctués ici d'une dégustation de citron, là d'explications instructives. Exemple: la vraie base du volcan s'enfonce encore à 200m sous la mer!
La chaleur est encore élevée, mais nous sommes souvent à l'ombre, protégés par une végétation abondante; tiens, il y a même des câpriers!

Arrivés au 400m d'altitude, la topographie change de façon brutale: bye bye la verdure, voici un décor minéral de roches et de cendres, dans lequel on va évoluer pour gagner le sommet. En contrebas, vus d'ici le village et les bateaux au large pourraient tenir dans une boîte Playmobil. C'est ici le "point de non-retour"; si on ne se sent pas taillé pour la suite de l'ascension, c'est ici qu'on peut encore rebrousser chemin; sinon, c'est trop tard, tu bois ton calice jusqu'à la lie!

La deuxième partie est beaucoup plus technique et demande un pied sûr: la déclivité est plus prononcée, les pierres roulent facilement sous les semelles et la montée dans les cendres te donne l'impression de faire du sur-place! Et le petit sentier serpente, prend son temps, laissant les différents groupes se suivre à la queue leu leu.

BRROOMM! Il nous appelle à venir le contempler. Le crépuscule tombe, le sommet est proche. La consigne est donnée de mettre nos casques; c'est pour les éventuelles chutes de pierres! Le show va commencer; poussée d'adrénaline...

Après 3 heures d'ascension, on est au bord du cratère, mais les bouches de sortie sont assez éloignées, 150m plus bas. La plupart des visiteurs s'assoient, moi je préfère rester debout. Il fait presque nuit. Première lueur rouge, bruit de tonnerre; et ça y est: un jaillissement de lave s'élance à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, le magma retombe comme dans un film au ralenti. Je suis pétrifié de fascination, j'ai 10 ans, je n'en rate pas une miette. Le phénomène se produira 4-5 fois, nous sommes chanceux. Tout en bas sur la mer, des scintillements fugaces: ce sont les flashs des APN à bord des bateaux.

On en profite pour manger, voire changer de T-shirt. Chaque groupe peut rester un peu moins d'une heure au sommet, on va y aller pour la descente. On fixe nos lampes frontales et c'est parti pour 1H30 à dévaler une pente prononcée, dans le noir, où le pied disparaît entièrement dans la cendre. Sensation inédite, comme si on foulait le sol d'une autre planète. Lorenzo dit de ne pas s'arrêter, sinon ça pourrait faire effet "domino" avec le reste de la file! Le silence qui règne dans le groupe est troublant; trop d'émotion en une fois, peut-être? Les lumières du village palpitent plus bas, se rapprochent progressivement. Ah, j'oubliais de mentionner le port de masque anti-poussière, la descente du groupe en soulève tellement qu'à certains moments la moitié du corps de ton prédécesseur disparait dans ce brouillard gris! La chaleur remonte au fil de la descente, ce qui, associé à la poussière, est un peu éprouvant. Mais les derniers virages du sentier sont négociés, et voici la place de l'église! Il est 23 heures. Restitution du matériel, et "vidange" des chaussures bourrées de cendres. Je crois que mes chaussettes sont foutues... Comment vous décrie ma joie, mon euphorie? Ben en fait... je peux pas décrire!!
Je te laisse, je vais prendre une longue et bonne douche!

https://www.youtube.com/watch?v=fA6J0pKskoY


Fin du voyage!

Avant de poser la dernière pierre de ce superbe périple, je me dois de faire une digression importante.
Le mercredi 02 juillet, soit le lendemain de mon ascension, le volcan a connu une éruption soudaine et intense dans l'après-midi. La colonne de fumée est montée à 2km de haut, et des chutes de pierres ont tué un randonneur sicilien qui évoluait à la limite de la zone "avec guide". Les habitants et les touristes on été évacués par la mer. Je ne l'ai appris que le lendemain, en consultant les actualités sur mon smartphone. J'ai contacté la personne qui m'avait hébergé, les dégâts ne sont pas énormes, me dit-elle, mais ils ont vécu une grande frayeur, bien que sur l'île les habitants soient "préparés" mentalement aux sautes d'humeur du géant.

Le 28 août, une autre éruption a provoqué une grosse coulée pyroclastique (gaz, vapeur d’eau et particules solides) qui a dévalé les flancs nord de l’île jusqu’à la mer. Pas de victime à déplorer.
Les ascensions sont naturellement suspendues jusqu'à nouvel ordre. Je ne sais pas si elles ont repris.

https://www.lesoir.be/234520/article/2019-07-03/violente-eruption-du-stromboli-au-large-de-la-sicile-un-touriste-de-35-ans-perdu
https://www.letemps.ch/stromboli-limprevisibilite-danger
https://www.youtube.com/watch?v=cRkVq4GXxtI

La chance que j'ai eu, ça donne des frissons... Saint-Christophe, le saint patron des voyageurs, était avec nous la veille de ce jour funeste. Certains soutiennent qu'on peut prévoir ces événements. Mon oeil. Personne n'a rien vu venir. Idem pour les colères subites de l'Etna. Et quand le Vésuve se réveillera (faut pas se leurrer, ça arrivera!), comment s'y prendra-t-on pour évacuer de façon rapide et ordonnée une agglomération de 4 millions d'habitants, si une nuée ardente déboule à 400km/h? Pompei, Herculanum, tu te souviens comment ça s'est terminé?

Bon, il faut malgré tout finir le carnet. Pour quitter Stromboli, tu peux faire tout le trajet inverse, avec arrêt à chaque île, jusqu'à Milazzo avec Liberty Lines. Attention: si la mer est trop agitée, les départs peuvent être suspendus! Il est aussi possible de rallier Palerme ou Messine. Cependant, il existe une autre traversée moins connue qui se fait avec la compagnie SNAV, à destination de Naples. C'est celle-là que je choisis, voulant revoir Naples, ne fut-ce qu'un après-midi! Le volcan rétrécit à vue d'oeil lors de la progression du navire, et vers 14H30, après avoir contourné la belle Capri, me voici à Naples, au port de Mergellina, à 3km du centre. La ligne 2 du métro, toute proche, permet de rallier le vieux Naples en 20 minutes à peine, en descendant la station "Cavour".
J'ai loué une petite chambre Airbnb sur la Piazza Gerolomini, qui donne sur la Via dei Tribunali que je suis heureux d'arpenter à nouveau! Je retrouve le petit stand planqué qui vend des sfogliatelle, le bar Nilò (où je prendrai mon petit-déj demain), la très animée Piazza Dante... Que du bonheur! (* Euh oui, pour plus de détails sur Naples, tu connais le chemin: tout droit jusqu'à mon carnet sur l'Italie du sud!).
Pour la soirée, une bonne pizza, ça te tente? Voyons voir... chez Sorbillo? Non, tu as vu la file? Je t'emmène 200m plus loin chez une autre valeur sûre de la pizza napolitaine: Di Matteo. Profitons de ce dernier soir avec une excellente pizza marinara (tomate, ail, origan). L'avion m'attend demain matin pour le retour en Belgique. La boucle est bouclée!



La Sicile est vraiment une île fabuleuse et faite pour tous les goûts: temples antiques, villes aux innombrables monuments, bord de mer sublime, îles éoliennes tout en diversité... tout ceci agrémenté d'une cuisine à se damner!

"Le sixième jour Dieu accomplit son oeuvre, et heureux d'avoir créé une telle beauté, il prit la terre entre ses mains et l'embrassa. Là où il posa les lèvres est la Sicile."

Renzino BARBERA (poète et humoriste sicilien).

Voyage raconté par bentec

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Les plus...

  • La Sicile est un livre d'Histoire à ciel ouvert: Ségeste, Selinonte, Syracuse, Agrigente...
  • Une fois sorti des sentiers battus, la campagne sicilienne et les montagnes (Nebrodi et Madonie) révèlent la VRAIE Sicile, celle que les touristes en autocar ne verront jamais.
  • Voir des volcans actifs de près, ça compte quand-même dans une vie de voyageur!
  • Ah, les îles Eoliennes! Quelle beauté, quelle diversité! il n'y en a pas une qui ressemble à l'autre!
  • LA CUISINE!! Ce défilé d'arancini, de granite, d'agrumes, de vins gouleyants a marqué mes papilles gustatives pour longtemps!

Les moins...

  • L'état des petites routes laisse parfois à désirer, sans parler de ces décharges sauvages, à l'image de certains endroits de la région de Naples...
  • La circulation dans la périphérie de Palerme, où il faudrait se faire greffer des yeux de caméléon pour surprendre voitures, vespas, piétons...
  • Attention aux volcans, ils n'ont pas la complaisance de prévenir quand ils vont se mettre en colère. A quelques heures près, ça aurait pu être mon dernier périple...
  • Point très subjectif: la chaleur, que dis-je, la fournaise! On est toujours tributaire de la météo quand on voyage.

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